mercredi 27 février 2013

La situation espagnole (1/2) : étude du pib

Un petit aperçu macro de l'Espagne (par le PIB)


On parle actuellement beaucoup de l'Italie et de ses élections, mais la macro-économie de l'Italie est en fait relativement ennuyeuse (le tableau est très proche de la situation  française, avec peut-être qqlq trimestres de décalage).
Du coup, on va essayer d'avoir un coup d'avance sur l'actualité et donc parler de l'Espagne. On va d'abord essayer d'évaluer l'ampleur de la bulle immobilière (et ensuite,  à la grosse louche, les conséquences financières).

Ordre de grandeur du PIB espagnol : ~1000 Mds € pour arrondir les chiffres
(1100 au plus haut ; France : environ 2000 Mds)

Ca tombe bien , plusieurs études sérieuses sont sorties.  Sources principales :
http://etudes-economiques.credit-agricole.com/media/EF13_12_BK_AT_Espagne_T2_20130219.pdf
http://etudes-economiques.credit-agricole.com/site/openMedia.php?document=EF13_05_BK_20130125_v3.pdf&lg=6

http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=68467

Une bulle immobilière hors norme 



La bulle immobilière espagnole des années 2000-2008 a largement dépassé celle du Royaume-Uni ou des Etats-Unis avec un secteur du BTP qui était monté à presque 23% du PIB (contre environ 12% en France).

L'immobilier résidentiel (logement) a représenté l'essentiel de l'excès, en montant jusqu'à 14% du PIB, contre environ 5% du PIB en France.
Remarque : malgré une natalité faible (1,4 enfants/ femme). Cette bulle a en fait été auto-alimentée par une hausse massive de l'immigration (travaillant en bonne partie dans le BTP), avec une population immigrée passée de 0,6 Mo à 6 Mo entre 1998 et 2010 (http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_l%27Espagne).

Dans le cas d'un scénario d'atterrissage modéré (btp à 10% du PIB), l'impact direct de la crise immobilière serait d'environ 13% du PIB.
On peut imaginer un scénario bien pire, avec un btp qui reviendrait sur 7-8% du pib avec la fin du rattrapage des infrastructures (autoroutes, lgv) et l'arrêt du résidentiel. Surtout, on laisse de côté les effets multiplicateurs sur le PIB, particulièrement forts. 

Deux éléments amortisseurs : le commerce extérieur et le déficit public

 En 2007-2008, la position du commerce extérieur était extrêmement déficitaire, de l'ordre de 10% du PIB, en miroir de l'excès de dépenses dans le BTP.
La correction de ce côté a été impressionnante, apportant (limitant le recul de) +10% de PIB: la balance courante (commerce + tourisme) est équilibrée fin 2012, moyennant un rebond à l'export (pour 1/3) et surtout un effondrement des importations (pour les 2/3 restants  

 
Source : Natixis Flash Eco. http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=68467

Les dépenses publiques ont aussi comblé le creux de l'activité, avec un bond du déficit à 10-11% en 2009-2010 puis une réduction vers 7% du PIB en 2012. Le problème est que l'endettement de l'Etat a augmenté à une vitesse folle et a du mal à être financé. De plus, si les dépenses d'administration génèrent du PIB**,  la hausse est moindre pour les dépenses de redistribution*** et est nulle s'il s'agit de payer les intérêts de la dette (38 Mds€ en 2012, ~4% du PIB). 



L'effet amortisseur de la dépense publique s'estompe donc. En pratique, malgré le déficit public persistant, la contribution des dépenses de l'Etat devrait être quasi-nulle à partir de 2013.

Conclusion sur le PIB espagnol



L'explosion de la bulle immobilière a un rôle énorme dans la récession espagnole, avec un impact direct de l'ordre de 10% du PIB sur 2008-2012 (et un impact indirect surement plus important). 

Dans un premier temps, l'Espagne a pu compenser le trou d'activité par le déficit public, mais ce soutien devrait disparaître dès 2013. Le plus gros de l'ajustement porte donc sur le commerce extérieur (10% du PIB au total : -7%  pib importation et +3% pib exportations).    
En théorie, l'amélioration du commerce extérieur compense approcximativement l'explosion de la bulle immobilière (~10% du pib). Pourtant, le PIB a également reculé sur la période 2008-2012, de l'ordre de 7%, ce qu'il faut probablement attribuer à deux facteurs : 
- le secteur immobilier a un impact indirect très fort sur le PIB (services associés, etc.)
- sans dévaluation possible, la baisse des importations a résulté d'une chute énorme de la consommation et donc probablement de l'économie intérieure (difficile à estimer).
- autres facteurs probables : blocage du crédit bancaire, 
  

Perspectives 

Le PIB espagnol a-t-il aujourd'hui vocation à se stabiliser à ce niveau ? 
Du côté du commerce extérieur, les exportations devraient continuer  progresser (les salaires sont 1/3 moins chers qu'en France ou en Allemagne), mais les importations sont probablement au plancher. 
Côté immobilier et BTP, la baisse d'activité devrait se prolonger encore, mais l'essentiel de la correction est tout de même passé. L'Etat peut jouer un rôle neutre, avec un déficit modéré (~3% du PIB, soit un déficit primaire - avant intérêts de la dette - nul). 

En théorie, le PIB espagnol pourrait se stabiliser au niveau actuel. Pourtant, la correction d'une bulle dans le cadre de la zone Euro génère des déséquilibres financiers colossaux qui font douter de la crédibilité du scénario. 
(Article à venir sur le sujet).